Sienne est l’une de ces villes italiennes chargée d’histoire et de touristes. Parce que située en Toscane, parce que regorgeant de merveilles architecturales et artistiques, le tout dans un cadre médiéval préservé. Contrairement à Florence, Rome ou Naples, Sienne est une petite ville, vivant, comme Venise, de ses visiteurs de passage qui, l’été, envahissent ses ruelles, sa place centrale, sans se douter qu’à l’ombre ou en plein soleil, au claquement de ses oriflammes, vestiges du dernier Palio, cette course de chevaux, jadis brutale, qui se déroulait à l’extérieur de ses murs avant de devenir aujourd’hui spectacle policé, se sont joués mille intrigues et drames.

Quand on arrive à Sienne, empruntant la via Francigena, on est irrésistiblement attiré vers le Campo, vaste espace en forme de coquille inclinée, pavé de briques formant comme les neuf parts d’un gâteau, représentant les neuf magistrats qui furent, dès la fin du XIIIe siècle, à la tête de la cité. D’abord autoproclamés puis cooptés, ils ont « construit » la ville telle qu’on la voit aujourd’hui du haut du Palazzo Pubblico, de l’Hôtel de Ville en quelque sorte, quand on passe la tête entre deux des neufs créneaux qui couronnent le bâtiment. Au service de l’harmonie, celle d’un urbanisme « parfait », chaque rue, chaque façade devant répondre à des règles bien précises qui en préservent l’élégance.

Pendant trois siècles, Sienne réussit à maintenir son indépendance ainsi que sa richesse, étant, à l’époque, la dernière ville-étape avant Rome. Les banques étaient au cœur de la cité, voilà pour la richesse, alors que les grandes églises, des franciscains comme des dominicains, étaient tenues à distance, voilà pour l’indépendance.

Mais rien ne durant éternellement, la peste noire s’abattit sur la ville, en décima la population, les banques firent faillite, le gouvernement des Neuf s’effaça. Et Florence, la voisine, attendait la chute… Ce sera fait à la Renaissance quand Philippe II, roi d’Espagne, aidé en cela par la jalouse cité florentine, en fit le siège. Conquise, le roi l’abandonna à sa rivale toscane qui, par vengeance, la laissa à l’abandon, comme endormie, permettant ainsi à sa magnifique architecture d’avoir été conservée.

Se promener dans Sienne, aujourd’hui, c’est retrouver le souvenir de sa grandeur et, derrière l’affabilité commerçante de ses habitants, deviner l’orgueil des descendants de ceux qui édifièrent les plus nobles édifices de la région, qui commandèrent aux plus grands artistes de la Péninsule, les plus étranges fresques qu’on puisse imaginer, de Lorenzetti, Martini ou Duccio. Qui inventèrent le Palio.

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avant le Palio, Sienne, Italie (photo : g.a.b.)

Cet événement, qui se déroule toujours deux fois l’an, le 2 juillet et le 16 août, est une course de chevaux au cours de laquelle il faut effectuer le plus rapidement possible trois tours du Campo, au dallage recouvert pour l’occasion de tuf et de sable pressés. Cela ne dure que quelques minutes noyées dans la poussière, mais c’est ce qui l’accompagne, le charme et la distinction de tous ceux qui y participent, des cavaliers au dernier palefrenier, tous vêtus d’habits de velours et de soie, qui laisse imaginer ce qu’il devait être, avant, lorsque les seuls spectateurs étaient les habitants de la ville, en tenues chamarrées, moucheté étincelant de couleurs contrastant avec le lointain noir et le blanc des murs de la cathédrale. Tournoiement de couleurs comme symbole de fantaisie au cœur de la rigueur des neuf gouverneurs de la cité, ceux qui avaient décidé, du haut du Palazzo Pubblico, de lui offrir un peu de beauté.

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