Postface de la monographie photographique, Le Silence, qui vient de paraître aux éditions Corridor-Éléphant :

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A la question qui, souvent, me fut posée : « Pourquoi photographiez-vous ? », j’ai toujours répondu : « Parce que je ne sais pas dessiner ! » La photographie m’était toujours apparue, en effet, comme une béquille, un pis-aller devant compenser mon incapacité à manier un crayon ou un pinceau pour « reproduire » ce que je voyais. Jusqu’à ce que plus de vingt-cinq années de vagabondages divers de par le monde  me rassurent : la photographie est bien un art à part entière.

Une photographie argentique, jamais retouchée, prise avec un unique appareil mécanique Nikon muni d’un unique objectif 50mm. Pour ne pas « jouer » avec les distances, pour être au plus près de ce que j’ai réellement vu et aimé. Pour que l’éventuelle étrangeté ou beauté des images ne soit due qu’à ma « décision » de cadrer comme ceci ou comme cela, à tel ou tel moment.

Prendre le temps de photographier notre « Monde » est pour moi une manière, surtout en cette période de doute sur sa pérennité, de retenir ce qui m’attire encore en lui, sans jamais y chercher le moindre exotisme ou pittoresque. En photographiant des lignes, que ce soient celles du « décor » (paysages ou architectures) ou celles des silhouettes qui le peuplent, ne me soucie que l’harmonie qui, nécessairement, existe entre elles. Dans le cadre, carré ou rectangle, interagissent, ainsi, toujours, des « personnages » qui peuvent être aussi bien des sentiers, des arbres, des roues de bicyclette ou des chaises de plastique, que quelques humains, souvent des enfants ou des adolescents, qui dialoguent avec moi sans mot dire, à moins que, « perdus » et mélancoliques, ils ne me dévisagent ou encore me tournent le dos en souvenir de David Gaspar Friedrich pour que je puisse contempler ce qu’ils contemplent.

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Luang Prabang, Laos (photo : g.a.b.)

Ces êtres que j’ai photographiés, ce fut une manière pour moi de non seulement partager et faire partager un peu de leur histoire, de leur culture, mais également de garder leur souvenir, de les « capturer », comme un entomologiste immobilise d’une épingle le papillon rare qui va enrichir sa collection. Sauf qu’ici, tout ne fut que fugitif, l’être ainsi « fixé » ayant continué de vivre loin de moi et de son reflet.

A défaut d’utiliser un crayon ou un pinceau, j’ai essayé de domestiquer une lumière qui, en sublimant un réel qui m’appartient, a également éclairé un photographe, qui, lui, aime rester dans l’ombre, le visage à demi-caché derrière son appareil, comme un voyeur de silence.

[notes passagères, le blog de Georges A. Bertrand]

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